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pour les frais de cette nouvelle entreprise, tout ce que tu jugeras nécessaire. »

La patience d'Auguste dans les fonctions de censeur est aussi louable que renommée. Il accusait un chevalier romain , comme ayant détérioré sa fortune; mais celui-ci prouva publiquement qu'il l'avait au contraire augmentée. peu après, il lui reprocha de n'avoir pas obéi aux lois qui ordonnaient de contracter mariage; à quoi le chevalier répondit qu'il avait une femme et trois enfants, et il ajouta ensuite :

Posthac, Caesar, cum de honestis hominibus inquiris, honestis mandato.

« Désormais, César, lorsque tu auras à scruter la conduite des honnêtes gens, charges-en des gens honnêtes. »

Il supporta aussi, je ne dirai pas seulement la liberté, mais même la témérité d'un soldat. Il se trouvait à la campagne, où les chants nocturnes d'un hibou, interrompant fréquemment son sommeil, lui faisaient passer des nuits troublées. Il ordonna qu'on tâchât de prendre le hibou. Un soldat habile dans la chasse aux oiseaux, et espérant une grande récompense, lui apporta l'oiseau. L'empereur l'en loua, et donna ordre de lui compter mille petits sesterces; mais celui-ci eut l'audace de dire :

Malo vivat

« J'aime mieux qu'il vive, »

et de lâcher l'oiseau.

Qui ne s'étonnera qu'Auguste, sans s'offenser de ce trait, ait laissé aller le soldat impuni? Un vétéran avait un procès : le jour indiqué pour le jugement avançait; il aborda César en public, et le pria de se charger de sa cause. Celui-ci lui donna aussitôt un avocat de sa suite, auquel il recommanda le plaideur. Alors le vétéran s'écria d'une voix forte

At non ego, Caesar, periclitante te Actiaco bello vicarium quaesivi, sed pro te ipse pugnavi,

« César, quand tes destins se décidaient au combat d'Actium, je ne cherchai point un remplaçant, mais je combattis moi-même pour toi. »

Et en disant ces mots le soldat découvrit ses cleatrlces. Auguste rougit et vint plaider pour lui, dans la crainte non pas tant de paraître superbe que de paraître ingrat.

II avait entendu avec plaisir pendant son souper les musiciens de Toronius Flaccus, marchand d'esclaves, et les avait payés avec du blé, tandis qu'il en avait plus libéralement payé d'autres avec de l'argent. Ayant de nouveau demandé à Toronius ses mêmes musiciens pour jouer pendant son souper, celui-ci s'excusa, en disant,

Ad molas sunt

« Ils sont au moulin. »

Lorsqu'il retournait triomphant, après la victoire d'Actium, parmi ceux qui venaient le féliciter, se présenta un individu qui lui offrit un corbeau qu'il avait dressé à dire ces mots

Ave, Caesar victor imperator.

« Salut, César, victorieux empereur. »

Auguste, agréablement surpris, acheta l'ingénieux oiseau vingt mille petits sesterces. Un camarade du précepteur de l'oiseau, auquel il ne revenait rien de cette libéralité, dit à l'empereur qu'il avait encore un autre corbeau semblable à celui-là. Auguste demanda qu'on le lui amenât : quand l'oiseau fut en sa présence, il récita les mots qu'on lui avait appris:

Ave, victor imperator Antoni.

« Salut, Antoine, victorieux empereur. »

Auguste, sans s'offenser nullement, ordonna que les vingt mille pièces fussent partagées entre les deux camarades.

Une autre fois, salué de la même façon par un perroquet, il le fit acheter. Il fit aussi acheter une pie dressée de la même manière. Ces exemples engagèrent un pauvre cordonnier à instruire un corbeau à répéter une pareille salutation. Le cordonnier, fatigué des soins qu'il se donnait, disait souvent à l'oiseau, qui restait muet :

Opera et impensa periit

« J'ai perdu mon argent et ma peine. »

Cependant le corbeau vint enfin à bout de répéter la salutation: on le plaça sur le passage d'Auguste, qui, l'ayant entendu, dit.

Satis domi salutatorum talium habeo

« J'ai chez moi