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elle aime à se travestir pour échapper aux yeux grossiers du vulgaire, mais qu’elle exige encore des sages un culte emblématique : voilà pourquoi les initiés eux-mêmes n’arrivent à la connaissance des mystères que par les routes détournées de l’allégorie. C’est aux sages seuls qu’appartient le droit de lever le voile de la vérité ; il doit suffire aux autres hommes d’être amenés à la vénération des choses saintes par des figures symboliques.

On raconte à ce sujet que le philosophe Numénius, investigateur trop ardent des secrets religieux, apprit en songe, des déesses honorées à Eleusis, qu’il les avait offensées pour avoir rendu publique l’interprétation de leurs mystères. Etonné de les voir revêtues du costume des courtisanes, et placées sur le seuil d’un lieu de prostitution, il leur demanda la cause d’un avilissement si peu convenable à leur caractère : Ne t’en prends qu’à toi, lui dirent-elles en courroux ; tu nous as assimilées aux femmes publiques, en nous arrachant avec violence de l’asile sacré que s’était ménagé notre pudeur. Tant il est vrai que les dieux se sont toujours plu à être connus et honorés sous ces formes que leur avait données l’antiquité pour imposer au vulgaire ; c’est dans cette vue qu’elle avait prêté des corps et de riches vêtements à des êtres si supérieurs à l’homme, et qu’elle leur faisait parcourir toutes les périodes de notre existence. C’est sur ces premières notions que Pythagore, Empédocle, Parménide et Héraclite ont fondé le système de leur philosophie ; et Timée, dans sa théogonie, ne s’est pas écarté de cette tradition.

Chap. III. Il y a cinq genres de songes ; celui de Scipion renferme les trois premiers genres.

À ces préliminaires de l’analyse du Songe de Scipion, joignons la définition des divers genres de songes reconnus par l’antiquité, qui a créé des méthodes pour interpréter toutes ces figures bizarres et confuses que nous apercevons en dormant ; il nous sera facile ensuite de fixer le genre du songe qui nous occupe.

Tous les objets que nous voyons en dormant peuvent être rangés sous cinq genres différents, dont voici les noms : le songe proprement dit, la vision, l’oracle, le rêve, et le spectre. Les deux derniers genres ne méritent pas d’être expliqués, parce qu’ils ne se prêtent pas à la divination.

Le rêve a lieu, lorsque nous éprouvons en dormant les mêmes peines d’esprit ou de corps, et les mêmes inquiétudes sur notre position sociale, que celles que nous éprouvions étant éveillés. L’esprit est agité chez l’amant qui jouit ou qui est privé de la présence de l’objet aimé ; il l’est aussi chez celui qui, redoutant les embûches ou la puissance d’un ennemi, s’imagine le rencontrer à l’improviste, ou échappera sa poursuite. Le corps est agité chez l’homme qui a fait excès devin ou d’aliments solides ; il croit éprouver des suffocations, ou se débarrasser d’un fardeau incommode : celui qui, au contraire, a ressenti la faim ou la soif, se figure qu’il désire, qu’il cherche et même qu’il trouve le moyen de satisfaire ses besoins. Relativement à la fortune, avons-nous désiré des honneurs, des dignités, ou bien avons-nous craint de les perdre ; nous rêvons