Page:Macrobe (Œuvres complètes), Varron (De la langue latine) Pomponius Méla (Œuvres complètes), avec la traduction en français, 1863.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

trépas : or, la certitude d’un tel avantage exigeait pour base celle de l’immortalité de l’âme. Ce dernier point de doctrine une fois établi, Platon dut affecter, par une conséquence nécessaire, des demeures particulières aux âmes affranchies des liens du corps, à raison de leur conduite bonne ou mauvaise. C’est ainsi que, dans le Phédon, après avoir prouvé par des raisons sans réplique les droits de l’âme au privilège de l’immortalité, il parle des demeures différentes qui seront irrévocablement assignées à chacun de nous, d’après la manière dont il aura vécu. C’est encore ainsi que, dans son Gorgias, après une dissertation en faveur de la justice, il emprunte la morale douce et grave de son maître pour nous exposer l’état des âmes débarrassées des entraves du corps. Ce plan, qu’il suit constamment, se fait particulièrement remarquer dans sa République. Il commence par donner à la justice le premier rang parmi les vertus, ensuite il démontre que l’âme survit au corps ; puis, à la faveur de cette fiction (c’est l’expression qu’emploient certaines personnes), il détermine, en finissant son traité, les lieux où se rend l’âme en quittant le corps, et le point d’où elle part quand elle vient l’habiter. Tels sont ses moyens pour nous persuader que nos âmes immortelles seront jugées, puis récompensées ou punies, selon notre respect ou notre mépris pour la justice.

Cicéron, qui montre, en adoptant cette marche, autant de goût que Platon a montré de génie en la traçant, établit d’abord, par une discussion en forme, que la justice est la première des vertus, soit dans la vie privée, soit dans le maniement des affaires publiques ; puis il couronne son ouvrage en nous initiant aux mystères des régions célestes et du séjour de l’immortalité, où doivent se rendre, ou plutôt retourner, les âmes de ceux qui ont administré avec prudence, justice, fermeté et modération.

Platon avait fait choix, pour raconter les secrets de l’autre vie, d’un certain Her, soldat pamphylien, laissé pour mort par suite de blessures reçues dans un combat. À l’instant même où son corps, étendu depuis douze jours sur le champ de bataille, va recevoir les honneurs du bûcher, ainsi que ceux de ses compagnons tombés en même temps que lui, ce guerrier reçoit de nouveau ou ressaisit la vie ; et, tel qu’un héraut chargé d’un rapport officiel, il déclare à la face du genre humain ce qu’il a fait et vu dans l’intervalle de l’une et l’autre existence. Mais Cicéron, qui souffre de voir des ignorants tourner en ridicule cette fiction, qu’il semble regarder comme vraie, n’ose cependant pas leur donner prise sur lui ; il aime mieux réveiller son interprète que de le ressusciter.

Chap. II. Réponse qu’on pourrait faire à l’épicurien Colotès qui pense qu’un philosophe doit s’interdire toute espèce de fictions ; de celles admises par la philosophie, et des sujets dans lesquels elle les admet.

Avant de commenter le Songe de Scipion, faisons connaître l’espèce d’hommes que Cicéron signale comme les détracteurs de la fiction de Platon, et dont il craint pour lui-même les sarcasmes. Ceux qu’il a en vue, au-dessus du vulgaire par leur instruction à prétentions, n’en sont pas moins éloignés de la route du vrai ; c’est ce qu’ils ont prouvé en faisant choix d’un pareil sujet pour l’objet de leur dénigrement.