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machiavel.
buonaparte.

CHAPITRE XIV.
Des devoirs du Prince, en ce qui concerne l’art de la guerre.

Un Prince doit n’avoir d’autre objet, d’autre pensée, ni cultiver d’autre art que la guerre, l’ordre et la discipline des armées (1), parce que c’est le seul qu’on s’attende à voir exercer par celui qui commande[1]. Cet art est d’une si grande utilité, que, non-seulement il maintient sur le trône ceux qui sont nés Princes, mais encore il fait souvent monter au rang de Prince des hommes d’une condition privée (2). Par une raison contraire, il est arrivé que des Princes, qui s’occupaient plus des douceurs de la vie que des choses militaires, ont perdu leurs États (1). La première cause qui te ferait perdre le tien serait de négliger l’art de la guerre : comme la cause qui fait acquérir une principauté à celui qui n’en avait point, est d’exceller en cet art. François Sforce s’y montra supérieur par cela seul que, n’étant que simple particulier, il devint Duc de Milan (2) ; et ses fils, pour avoir évité les fatigues et les incommodités de la profession des armes de Ducs qu’ils étaient, devinrent à-peu-près de simples particuliers (3).
(1) On dit que je vais prendre la plume pour écrire mes Mémoires. Moi ! écrire ! me prendrait-on pour un niais ? C’est déjà trop que mon frère Lucien fasse des vers. S’amuser à de telles puérilités, c’est renoncer à régner. E.

(2) J’ai montré l’un et l’autre. R. I.

  1. Un roi de Thrace, au rapport de Tacite, disait que s’il ne connaissait pas le métier de la guerre, il ne différerait en rien de son palfrenier ; et Néron, dans ses jours de sagesse, faisant d’avance le plan de son gouvernement futur, disait qu’il ne se mêlerait pas d’autre chose que de commander les armées (Ann. 13).