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LETTRES FAMILIÈRES.

commencé à goûter les douceurs de la domination. C’en est fait de toute l’Italie, s’ils se mettent à l’envahir ; car tous les mécontents s’empresseront de les favoriser, et serviront ainsi d’échelons à leur agrandissement et à la ruine des autre peuples. Pour moi, c’est d’eux seuls que j’ai peur, et non pas, comme vous l’a écrit le Casa, d’eux et de l’empereur, quoique cependant il fût très possible qu’ils se réunissent : car, par la même raison que l’empereur à souffert qu’ils ravageassent la Lombardie et se rendissent maîtres de Milan, ce qui paraissait contraire aux plus simples règles du bon sens d’après les considérations que vous m’avez exposées, de même, et malgré ces considérations, les Suisses de leur côté, pourraient trouver bon que lui aussi fit quelques progrès en Italie.

Seigneur ambassadeur, c’est plutôt pour satisfaire à vos désirs que je vous écris tout ceci, que dans la persuasion de bien savoir ce que je dis moi-même. Veuillez donc, la première fois que vous me répondrez, me faire connaître où en sont les choses de ce monde, ce qui se trame, ce que l’on espère, et ce que l’on redoute, si vous voulez que vous tienne tête sur des matières aussi graves ; sinon vous n’aurez de moi que des sottises pareilles au Testament de l’Ane et dans le goût de celles du Brancaccio. Je me recommande à vous

N. Machiavel.

À la campagne, le 10 août 1513.


LETTRE V

À FRANCESCO VETTORI

 Magnifique ambassadeur,

Tarde non furon mai grazie divin. Je dis cela parce que je craignais d’avoir, non pas perdu, mais égaré vos bonnes grâces ; vous aviez été si longtemps sans m’écrire que je ne pouvais en imaginer les raisons. J’attachais peu d’importance, il est vrai, à toutes celles qui