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lorsqu’on prend une femme on se contente de la vue. »

Lorsqu’il fut sur le point d’expirer, quelqu’un lui ayant demandé comment il voulait être enterré, il répondit : « La figure tournée en bas ; car je sais que lorsque je serai mort ce pays ira sens dessus dessous. »

Quelqu’un s’informant auprès de lui s’il avait jamais songé, pour le salut de son âme, à se faire moine, il répondit « que non ; il me semblerait étrange que Fra Lazzerone dût aller en paradis, tandis qu’Uguccione della Faggiuola irait en enfer. »

On lui demandait quand il fallait manger pour se bien porter ; il réponit : « Est-on riche : quand on a faim. Est-on pauvre : quand on le peut. »

Ayant vu un de ses gentilshommes qui se faisait lacer par son valet : « Par Dieu ! lui dit-il, que ne te fais-tu mettre aussi les morceaux à la bouche ! »

Quelqu’un avait fait écrire sur la porte de sa maison l’inscription latine suivante : Dieu la garde des méchants. Il la vit et s’écria : « Qu’il se garde bien lui-même d’y entrer ! »

Un jour qu’il passait dans une rue où se trouvait une très petite maison qui avait une grande porte : « Cette maison va s’enfuir par la porte », dit-il.

Il se disputait un jour avec un ambassadeur du roi de Naples, relativement aux biens de quelques bannis ; et la discussion s’échauffant, l’ambassadeur lui dit : « Vous n’avez donc pas peur de mon roi ? — Votre roi, répondit Castruccio, est-il bon ou méchant ? — Il est bon, répondit ce dernier. En ce cas, pourquoi voulez-vous que j’aie peur des bons ? répliqua Castruccio. »

On pourrait rapporter encore une foule de ses reparties, dans lesquelles on verrait le même sel et la même sagesse ; mais je crois que celles que j’ai citées suffisent pour rendre témoignage de ses grandes qualités. Il vécut quarante-quatre ans, et fut grand dans l’une et l’autre fortune. Comme il existait assez de monuments de sa