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portes : en conséquence il partagea tout le pays en cinq divisions, qu'il arma, et auxquelles il donna des chefs et des bannières. Il se trouva ainsi en état de mettre soudain vingt mille hommes sur pied, sans compter les ressources que Pise pouvait lui offrir.

Dans le temps qu'il était environné de forces aussi imposantes et d'aussi nombreux amis, messer Matteo Visconti fut attaqué par les Guelfes de Plaisance, qui, avec l'aide des troupes florentines et celles du roi Robert, étaient parvenus à chasser les Gibelins. Messer Matteo requit Castruccio d'attaquer les Florentins, afin que, réduits à défendre leurs foyers, ils fussent forcés de rappeler leur armée de Lombardie. En conséquence, Castruccio pénétra dans le Val-d'Arno, où il occupa Fucecchio et San-Miniato, après avoir ravagé le pays. Alors les Florentins, cédant à la nécessité, se hâtèrent de faire revenir leurs troupes. À peine avaient-elles mis le pied en Toscane, que Castruccio lui-même se vit dans la nécessité de reprendre le chemin de Lucques.

La famille de Poggio tenait le premier rang dans la ville ; elle avait puissamment contribué à l'élévation de Castruccio : c'était elle qui l'avait fait nommer prince ; mais les récompenses qu'elle avait reçues ne lui paraissant pas en proportion avec ses services, elle complota avec quelques autres familles de Lucques de faire soulever la ville, et d'en chasser Castruccio. Les conjurés profitèrent un matin de son absence, prirent les armes, coururent au palais, où son lieutenant rendait la justice en son nom, et le massacrèrent. Ils tâchaient de faire soulever le peuple, lorsque Stefano di Poggio, vieillard ami de la paix, et qui n'avait pas voulu entrer dans la conjuration, s'avança vers eux, et les contraignit, par l'autorité de son âge et de son caractère, à mettre bas les armes, s'offrit à se rendre médiateur entre eux et Castruccio, et promit d'obtenir de lui tout ce qu'ils pouvaient désirer. À ces paroles, ils posèrent leurs armes aussi imprudemment qu'ils les avaient prises ; car à peine Castruccio avait-il été instruit du changement qui