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s'apercevaient de ces craintes, plus ils devenaient insolents, et ils se présentaient chaque jour en ordre de bataille devant l'armée de Castruccio. Quand celui-ci crut leur avoir suffisamment enflé le courage, et qu'il eut reconnu leurs positions, il se décida à livrer le combat. D'abord il affermit par ses discours le courage de ses troupes, et leur promit une victoire assurée s'ils voulaient obéir à ses ordres.

Castruccio s'était aperçu que les ennemis avaient mis leurs troupes d'élite au centre, et que les corps les plus faibles occupaient les ailes. Il prit des dispositions contraires : il mit ses soldats les plus vaillants sur les ailes, et plaça au centre ceux sur lesquels il comptait le moins. Il sortit de ses retranchements dans cet ordre. À peine était-il en présence de l'armée ennemie, qui, selon son habitude, venait insolemment le défier, qu'il ordonna au centre de s'avancer avec lenteur, et aux deux ailes de se précipiter sur l'ennemi : de manière que quand on en vint aux mains, il n'y eut que les ailes des deux armées qui se joignirent ; tandis que le centre resta spectateur du combat, parce que les troupes du centre de Castruccio étant restées tout à fait en arrière, celles de l'ennemi ne purent les atteindre ; et, par cette manœuvre, ce furent les meilleurs soldats de Castruccio qui combattirent les plus faibles de l'ennemi, tandis que les troupes d'élite de ce dernier ne purent ni combattre celles qu'elles en face, ni secourir leurs ailes. Après une faible résistance, les deux ailes de l'armée ennemie prirent la fuite ; et le centre alors, voyant ses deux flancs dégarnis, et ne pouvant donner de preuves de son courage, se mit à fuir également. La déroute fut complète et le carnage considérable. Le nombre des morts s'éleva à plus de deux mille : les chefs les plus distingués du parti guelfe en Toscane y perdirent la vie, ainsi que plusieurs princes venus à leur secours, tels que Pierre, frère du roi Robert, Charles, son neveu, et Philippe, prince de Tarente. De son côté, Castruccio ne perdit pas trois cents hommes ; mais parmi eux se trouvait Francesco, fils d'Uguccione,