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à six milles environ de Sinigaglia, où ils n’avaient laissé qu’Oliverotto et sa compagnie, composée de mille hommes d’infanterie et de cent cinquante chevaux ; elle avait ses logements dans le faubourg dont je viens de parler.

Toutes les dispositions ayant été prises, le duc de Valentinois s’avança vers Sinigaglia. Lorsque la tête de sa cavalerie eut atteint le pont, elle fit halte, et une partie fit face au fleuve, tandis que l’autre regardait la campagne : elle laissa un passage au milieu pour l’infanterie, qui s’avança sans s’arrêter jusque dans la ville. Vitellozzo, Pagolo et le duc de Gravina, montés sur des mulets, vinrent à la rencontre du duc, accompagnés d’un petit nombre de cavaliers. Vitellozzo était sans armes, et couvert d’un manteau doublé de vert : la tristesse peinte sur son visage semblait présager la mort qui l’attendait, et l’on ne pouvait le voir sans étonnement, lorsqu’on réfléchissait à son courage et à sa fortune passée. On dit même que, quand il quitta ses troupes pour venir à Sinigaglia à la rencontre du duc, il leur fit ses adieux comme s’il devait les quitter pour toujours ; il recommanda sa maison et le soin de sa fortune à ses principaux officiers, et conseilla à ses neveux de ne jamais se ressouvenir de la fortune de leur maison, mais seulement de la vertu de leurs pères.

Arrivés tous trois devant le duc, ils le saluèrent avec honnêteté : il les reçut d’un air gracieux ; et aussitôt ceux auxquels il avait recommandé de les surveiller les placèrent entre eux. Le duc s’étant alors aperçu qu’Oliverotto se trouvait absent, parce qu’il était resté avec ses troupes à Sinigaglia, où il les tenait en bataille devant la place de leurs quartiers, situés sur les bords de la rivière, et où il leur faisait faire l’exercice, fit signe de l’œil à don Michele, auquel Oliverotto avait été confié, de tâcher qu’il ne pût échapper. Don Michele pique alors son cheval, et Oliverotto s’étant approché, il lui dit que ce n’était pas le moment de tenir ses troupes hors de leurs quartiers, qui pourraient être pris par celles du duc. En conséquence, il lui conseilla de les faire entrer