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DU VOIR-DIT.

Pour que jamais déſaſſemblée
Ne puiſt eſtre, par nulle voie ;
Et qu’en pais, en ſolas, en joie
Puiſſiens vivre & manoir touſdis,
Et puis en la fin paradis.

Veſci la lettre qui teſmongne
L’effect de toute la beſongne
Que mon cuer & ma dame chiere
M’eſcript à bonne & lie chiere,
Et qui à la mienne reſpont,
Qui bien l’entent & bien l’eſpont.


XLVI. — Mon très-dous cuer, ma tres-douce, vraie & loial amour, j’ay receu vos lettres, eſquelles vous me faites ſavoir voſtre bon eſtat, qui eſt la plus ſouveraine joie que je puiſſe avoir que de oir en bonnes nouvelles ; & du mien dont il vous plaiſt à ſavoir, je vous en mercy tant doucement & tant amoureuſement come je puis. Si vous plaiſe ſavoir que j’ay bien oÿ & entendu tout ce que li porterres de ces lettres m’a dit de par vous, par unes lettres de créance. Et ce m’a réſuſcité mon cuer, ma joie, mon eſperit ; & moy donné tel eſtat qu’il n’eſt joie en ce monde qui ne ſoit triſtece, encontre la parfaite joie que j’ay, de ce que Dieus, Amours & Venus la déeſſe, qui a oÿ mes prieres, mes complaintes & mes lamentacions, ont remis voſtre cuer où il doit eſtre & en voie de verité. Car, par celi dieu qui me fiſt, onques ne fis ne penſay choſe par quoy vous me déuſſiez eſlongier, ne ne feray jamais jour de ma vie. Et puiſque tout eſt pardonné d’une part & d’autre, pour Dieu, mon tres-dous cuer, gardons-l’un l’autre d’ore en avant pais, honneur & parfaite amour. Si vivrons en joie & en plaiſance, & ſi aurons parfaite ſouffiſance. Et auſſi, nous ſerons hors des dangiers de Fortune. Et, mon tres-dous cuer, je vous