Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xvi
NOTICE

le dit mélancoliquement Baſſompierre, on peut aſſurer non pas qu’on n’aimera plus, mais bien qu’on ne ſera plus aimé. Pour moi, je crois pouvoir ôter à notre Guillaume le poids d’environ quinze années ; ce qui, dans le domaine des tranſactions amoureuſes, a bien ſon importance. Et je tiens d’autant plus à cet allégement, que je me vois contraint de renvoyer à l’année 1363 la compoſition du Voir-Dit, ainſi qu’on le verra tout à l’heure.

Mais enfin, qu’une jeune fille de dix-huit ans, paſſionnée pour la muſique & les vers, ſe ſoit épriſe d’un poëte de quarante-huit ou cinquante ans, non-ſeulement avant de l’avoir vu, mais même après s’être aſſurée de l’énorme contraſte inſéparable d’une telle différence d’âge, le fait, quoique invraiſemblable, ne ſeroit pas unique & ſans exemple. Dans le dernier ſiècle, une dame de la Tour-Franqueville, après avoir lu la Nouvelle Héloïſe, n’avoit-elle pas adreſſé pluſieurs lettres des plus paſſionnées à Jean-Jacques Rouſſeau, qui n’eut même pas la courtoiſie d’y répondre ? Qui ne connoît l’hiſtoire de Bettina ? « Élizabeth Brentano, ou Bettina, » lit-on dans la Nouvelle Biographie univerſelle, « enflammée par la leclure des poéſies de Goethe, fut ſaiſie non-ſeulement d’une admiration vive pour le génie du grand poëte, mais d’une véritable paſſion pour ce vieillard alors plus que