Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
[vers 5941]
LE LIVRE

Quant ma dame oÿ m’eſcuſance,
Elle ne fiſt mie doubtance
Que tout ce ne fuſt verité
Que j’ay cy devant recité.
Si me pardonna bonnement
Le mesfait, & dit doucement,
Que ſe jamais la meſcréoie,
Si toſt le pardon pas n’aroie ;
Qu’en amours jà bien ne fera
Jalous, ne loyaus ne ſera :
Car touſdis tent à eſprouver
Ce qu’il ne voudroit pas trouver.
Cy-après verrez l’eſcripture
De ma dame plaiſant & pure.


XXXIV. — Mon tres-dous cuer & ma douce amour & mon loyal amy, jay bien veu ce que vous m’avez eſcript, que jamais vous ne ſerez en doubte ne ne penſerez que je vous oublie. Et par ainſi, je vous pardoin ce que vous m’avez mesfait. Mais ſe vous y renchéez plus, je croy que je ne le vous pardonneray pas ſi legierement ; que, par ma foy, je ne penſe pas à faire choſe à mon povoir de quoy vous doiez eſtre en doubte. Mais vous dites trop mal de ce que vous dites que vous n’eſtes pas dignes de moy amer, car, par ma foy, ſi eſtes à mon gré meilleur cent fois que je ne ſuis pour vous ; & ſi me tieng de vous à mieus aſſenée que du plus grant ſeigneur du royaume de France. Je vous prie que vous m’envoiez voſtre livre par ce meſſagier, & ne doubtez, car je le garderay bien. Et auſſi, vous me poez ſeurement eſcrire par ce meſſaige. Si vous prie que vous li faciez bonne chiere & je vous en ſauray tres-grant gré. Je prie à Noſtre Seigneur qu’il vous doint honneur & joie de quanque voſtre cuer aime. Eſcript le xxviiie jour d’octembre.

Voſtre loial amie.