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DU VOIR-DIT.

Or eſt ma dame comparée
À Semiramis qui, parée
Ne volt eſtre, tant que vengence
Fuſt priſe de l’outrecuidence
Que ſi ſubgés avoient fait ;
S’en corrigea bien le meffait.
Si eſt bien temps que je reſponde
À la milleur qui ſoit en monde,
C’eſt à ma dame, & à ſa lettre
Où l’on ne puet plus de bien mettre
Ne de douceur qu’il en y ha ;
Et, pour ce, mon oeil la tria
Com la plus monde & la plus pure
De toute humaine créature.
Si li reſpondi ſans attendre
Si com ci le porrés entendre.


XXVII. — Mon tres-dous cuer, ma douce ſuer, ma douce amour & quanque mes cuers aime. J’ay receu vos lettres, eſqueles vous me faites ſavoir voſtre bon eſtat, dont j’ay ſi tres-grant joie que plus ne puis. Car tant comme je vous ſache en bon eſtat, il n’eſt nulz maus qui me puiſt venir. Et ſe je ſavoie le contraire, dont Dieus vous gart & moy auſſi ! certes je ſeroie perdus & mors. Si vous pri, mon tres-dous cuer, que vous vous vueilliés bien garder ; car li temps eſt trop perilleus, eſpeciaument là où vous eſtes. Et, mon tres-dous cuer, ſe vous eſtes lie de ma pais, de ma joie & de mon bien, vous n’eſtes pas engingnie ; car voſtre pais & voſtre joie eſt la moie. Ne je ne mes nulle différence entre vous & moy que le bien de l’un ne ſoit le bien de l’autre. Et, mon dous cuer, vos douces lettres m’ont telement resjoÿ que, par ycelli Dieu qui me fiſt, toutes les fois que je les lis, les larmes me viennent aus yeus de droite fine joye : car c’eſt un val plein de joie, un flun de douceur, un reſ-