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viii
NOTICE

une viſite que Machaut, délivré de ſes gouttes & de la crainte des pillards, oſa bien lui faire, non ſans redouter l’effet qu’alloit produire ſur une fille de dix-huit ans le triple nombre de ſes années, ſon mauvais œil & ſa timidité naturelle. En dépit de tant de déſavantages, l’épreuve fut cependant des plus heureuſes, comme on le verra & comme je ne veux pas eſſayer de le dire ici. Il ſuffit d’avertir que dans cette longue entrevue, la jeune fille apprit avec joie que Guillaume ſe propoſoit d’écrire en vers le récit de leurs tendres relations ; elle inſiſta même pour que rien n’y fût omis de ce qui s’étoit déjà paſſé & pourroit ſe paſſer encore entre eux. L’amant, comme on le verra, remplit fidèlement ce programme ; les ſeules inexactitudes qu’il paroît s’être permiſes dans ce ſingulier ouvrage, concernent la date des dernières lettres, qui ſemble brouillée à deſſein, ſur les recommandations de ſon amie. Il a pris ſoin également de ne pas indiquer les lieux où ſéjournoit Peronnelle, & ſur ce point nous en ſommes réduits à des conjectures aſſez incertaines. La jeune fille changeoit aſſez ſouvent de réſidence, avec les parens qu’elle devoit accompagner. Elle paroît être demeurée à Paris un certain temps, s’être arrêtée en Brie ; puis en Champagne, à Conflans, à Châlons ou à Troyes ; les maiſons de Conflans, d’Unchair & de Jouveignes ayant des fiefs & des