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LE LIVRE

Où petit prins pain & vin ay ;
Qu’en li véoir me delitoie,
Et de cela me ſaouloie.
Car nous eſtions priveément,
Si qu’il n’i avoit ſeulement
Fors la belle, moy & ſa ſuer
Qui ne la laiſſaſt à nul fuer.
Mais ma dame qui commande ha
Seur moy, me diſt & commanda
Qu’aucune choſe li déiſſe,
Ou que de nouvel la féiſſe ;
Si fis cecy nouvellement
À ſon tres-dous commandement.

BALADE.

Gent corps, faitis, cointe, apert & joly,
Juene, gentil, paré de noble atour,
Simple, plaiſant, de bonté enrichy,
Et de biauté née en fine douçour ;
Mon cuer ha ſi conquis par ſa douçour
Le dous regart de vo viaire cler
Qu’autre de vous jamais ne quier amer.

S’ay droit, que j’ay ſi noblement choify,
Que ſe je fuſſe à chois d’amer la flour
De ce monde, s’éuſſe-je failly
En mieus choiſir qu’en vous, dame d’onnour.
S’en remercy vous & loyal Amour
Qui tient mon cuer en ſi plaiſant penſer ;
Qu’autre de vous jamais ne quier amer.

Tres-douce dame, & puiſqu’il eſt ainſy
Que je vous aim, ſans penſer deshonnour,
Et qu’en tous lieus avés le cuer de my
Qui mercy prie humblement nuit & jour ;
Je vous depri, par vois plaine de plour,
Que vous vueilliés ſavoir, par eſprouver,
Qu’autre de vous jamais ne quier amer.