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REMEDE DE FORTUNE XXXIII

appartient en propre, c'est l'application de cette allé- gorie à Fortune, tandis que l'interprétation du songe dans le livre de Daniel lui-même suit une direction toute différente et porte sur un tout autre sujet. Au moyen âge, Nabugodonosor figure presque régulière- ment parmi les exemples fameux des étranges revers causés par dame Fortune : jadis roi tout-puissant, il fut condamné à vivre en bête sauvage et à se nourrir de l'herbe des champs. Machaut a donc dû trouver ce nom étroitement rattaché au sujet qui l'occupait, et c'est sans doute par cette voie qu'il fut amené au récit de ce songe. Ce qui doit être retenu, c'est le fait que nous voyons notre poète puiser ici pour la pre- mière fois à la source inépuisable de la Sainte Ecriture à laquelle il devait revenir plus d'une fois dans la suite et où il allait souvent encore chercher la matière de ses exemples, en accordant toujours, ici comme plus tard, une préférence marquée aux récits merveilleux de l'An- cien Testament.

Le progrès que le Remède de Fortune, dans son con- tenu, marque sur les œuvres précédentes de notre poète, consiste donc, pour nous résumer, principalement en ceci : La personnalité de l'auteur, à peine accusée dans le Dit dou Vergier et le Jugement dou Roy de Behaingne, s'avance ici en pleine lumière et occupe, au moins dans certaines parties du poème, comme elle le fera désormais toujours, le premier plan. Ses œuvres deviennent soi-disant le récit d'aventures personnelles de l'auteur. En même temps, la réalité de la vie, des détails empruntés de préférence aux usages et coutumes de la société dans laquelle vivait notre poète, se mêlent de plus en plus intimement à la fiction poétique, contribuant ainsi encore à lui donner l'apparence d'un fait réel. Plus nettement qu'auparavant, cette tendance vers le réalisme se dessine dans le nouveau poème et en fait dans l'œuvre de Machaut le premier représentant de T. II. c

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