Page:Machaut - Œuvres, éd. Hœpffner, II.djvu/11

Cette page n’a pas encore été corrigée

REMEDE DE FORTUNE III

personnels n'ont encore qu'une part bien restreinte. Quant au poème si curieux et si original du Jugement dou Roy de Navarre, il n'a été écrit que quelques années après le Remède de Fortune. Cette œuvre reste donc dans l'ensemble des productions poétiques de notre auteur celle qui pour la première fois fait paraître son originalité propre, celle où enfin il semble avoir trouvé sa voie. Machaut ne serait certes pas un enfant de son siècle, s'il ne poursuivait pas dans ses dits un but di- dactique et ne faisait œuvre de moraliste, et ce travail revêt chez lui tout naturellement la forme de l'allégo- rie, comme chez ses prédécesseurs, chez ses contem- porains et chez ceux qui vinrent après lui. Mais — et c'est là l'invention originale de notre poète — il ne s'en tient pas uniquement au poème didactique et allégo- rique ; à cette partie de son œuvre, que lui-même aussi bien que ses lecteurs considéraient sans doute comme la partie la plus importante, il donne, dans chacun de ses dits, un cadre plein de vie et bien réel, cadre qu'il emprunte soit à son expérience personnelle, soit aux coutumes ou aux événements contemporains. Ce souci de la réalité dans la fiction poétique qui est, sans contredit, l'une des trouvailles les plus heureuses du poète et pour nous l'une des plus intéressantes, c'est à peine si on le trouve dans le Dit dou Vergier 1 ', il est un peu plus accusé dans le Jugement dou Roy de Bchaingne 2 ; ce n'est que dans le Jugement dou Roy de Navarre que nous l'avons vu s'épanouir le plus librement et produire ses plus heureux effets 3 . Mais, avant cette œuvre, nous le trouvons déjà nette- ment affirmé dans le Remède de Fortune qui au fond est un traité didactique sur Amour et Fortune, enca-

��r. Voy. T. I er , p. lvii-lix.

2. Ibid., p. LXI-LXIH.

3. Ibid., p. lxix-lxxii.

�� �