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LXXXIV INTRODUCTION


passé dans le domaine des croyances populaires, et on ne saurait indiquer exactement où Machaut a pu le trouver. L’ « exemple » suivant, la cigogne trompée assouvissant sa colère en condamnant et en mettant à mort la femelle coupable (v. 1671-88), se rencontre bien moins souvent. Nous ne l’avons pas trouvé dans les bestiaires français ; seuls Alexandre Neckam[1] et Brunetto Latini[2] relatent le fait, mais non comme une chose généralement admise ; au contraire, ils sont d’accord pour ne le présenter que comme un phénomène singulier, observé une fois seulement par quelque individu particulier. Cependant, plus près de Machaut, le poète Watriquet de Couvin, dans son Dit de la Cigogne, écrit en 1327[3], avait rapporté cette particularité de la vie de la cigogne. Rien ne nous permet d’admettre qu’il y ait eu entre les deux poètes quelque relation, et nous ne croyons pas que Watriquet ait été la source de Guillaume. Le fait permet du moins de supposer que c’est encore là une croyance qui, nous ignorons comment, s’était assez répandue au début du xive siècle et était admise dans le monde des savants de l’époque. C’est également sur une opinion accréditée auprès des érudits du moyen âge que repose l’ « exemple » donné par Guillaume en réponse aux arguments de dame Honnesté (v. 2657-85). Les douleurs d’un homme

  1. De naturis rerum, éd. Wright (1863), p. 113.
  2. Li Livres dou Trésor, éd. Chabaille (1863), p. 212.
  3. Voy. les Œuvres de Watriquet de Couvin, éd. Scheler (1868), p. 283 ss. Ces poèmes étaient assez répandus dans les cours princières du commencement du xive siècle (voy. Grôber, Grundriss der roman. Phil, II i, 85 1), et Machaut pouvait les connaître. Mais on ne saurait relever dans l’œuvre de Guillaume aucun rapport direct avec celle de Watriquet dont les tendances littéraires suivaient une tout autre direction.