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INTRODUCTION LXXXIII


sur les sujets qui étaient vraiment neufs et inédits pour ses lecteurs, Machaut ne s′arrête guère aux poèmes français du moyen âge qu′il a l′occasion de citer dans son œuvre. Il lui suffit de nommer simplement Lancelot et Tristan (v. 2841) qui étaient pour tout le monde alors les types du parfait amant et dont nul n′ignorait les exploits héroïques et galants. S′il insiste sur le gracieux roman de la Chastelaine de Vergy, dont d′ailleurs « chascuns scet bien ce qu′il avint » (v. 2836), c′est pour critiquer certaines conclusions qu′on pouvait en tirer, non pour en raconter l′aventure. On a là, s′il en était besoin, une preuve de plus de la vogue dont jouissaient ces œuvres vers le milieu du xive siècle dans les cercles aristocratiques de la société française.

D′autres « exemples » encore sont tirés de la vie des animaux, telle que la présentaient aux lecteurs du moyen âge les Bestiaires, qui mêlaient d′une façon si bizarre à des données exactes les inventions les plus extravagantes, et établissaient des rapports étroits entre les mœurs des bêtes et les habitudes humaines. Notre poète trouve également dans des traits qu′il croit propres à certaines espèces animales des analogies frappantes avec la vie physique et morale des hommes, et y puise des arguments sérieux à l′appui des thèses qu′il soutient. La douleur que cause à la femme la mort de répoux ou de l′amant ne saurait être démontrée d′une façon plus décisive que par les souffrances de la tourterelle qui a perdu son mâle (v. 1635-52). La fidélité de la tourterelle était proverbiale, les bestiaires en parlent tous, et on rencontre ce trait jusque dans une chanson populaire du xve siècle[1] ; il avait donc

  1. Chansons françaises du XVe siècle, ip. p. G. Paris (Soc. des anc. textes), N. 189, p. 142.