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LXX INTRODUCTION


de la peste, puis, le danger passé, oublieux de ses soucis et de ses angoisses et passionné de la chasse au point de négliger le plus élémentaire de ses devoirs d’homme galant et courtois qui était de présenter ses hommages à la haute dame qui passe tout près de lui. Dans la discussion même, il défend avec acharnement et opiniâtreté ses positions ; il avoue cependant qu’à la vue de la noble société qui entoure son adversaire, il a un instant l’idée d’abandonner sa cause, mais Raison l’exhorte à persister, et désormais il ne fléchira plus. Au début, il s’efforce de ne pas se départir de cette courtoisie qu’on doit toujours observer vis-à-vis des dames ; mais peu à peu il se laisse emporter par l’impatience et la colère ; il devient ironique, moqueur, et finalement franchement injuste et méchant, en osant accuser Franchise de mensonge et de déloyauté, et en lançant des paroles sacrilèges contre le sexe féminin, lui, connu jusqu’ici comme l’humble serviteur d’Amours et des dames. Enfin, quand la condamnation du poète est prononcée, il fait bonne mine à mauvais jeu et se tire avec autant de bonne grâce que possible de la position délicate où il s’était mis. Ce portrait, esquissé ici dans ses grandes lignes, est complété par de nombreux traits de détail qui donnent au personnage une individualité nettement marquée et en font un personnage réel et vivant. Nous n’avons pas lieu de douter que ce ne soit là en effet un portrait assez ressemblant du poète lui-même. Ses adversaires, par contre, Machaut les emprunte de nouveau à ce monde de l’allégorie évoqué par le Roman de la Rose ; mais il a su leur prêter des traits qui leur donnent l’air d’être vivants. Cela est vrai surtout de la dame qui provoque le nouveau débat. Machaut nous l’a peinte de telle façon que nous