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LXVI INTRODUCTION


convenait. Par contre, il y avait une raison puissante pour mettre le Jugement dou Roy de Navarre immédiatement à la suite du Jugement dou Roy de Behaingne : c’est que le second de ces deux poèmes est exactement la contre-partie, la palinodie, du premier. Machaut lui-même, dans le corps du dit, résume à diverses reprises le premier débat auquel il renvoie plusieurs fois ; dans quelques manuscrits, le titre du Jugement dou Roy de Navarre, est complété par cette indication : contre le Jugement dou Roy de Behaingne, et le manuscrit D fait même se suivre les deux pièces sans aucun intervalle, comme si elles n’en faisaient qu’une. C’est évidemment cette relation étroite entre les deux débats qui, en cette occasion, a fait renoncer le poète à l’ordre chronologique de ses dits.

Le poème commence par une longue introduction de 430 vers, où Guillaume, faisant œuvre de chroniqueur, raconte en détail les terribles événements des années 1348 et 1349: la persécution des Juifs, le mouvement religieux des « Flagellants » et les effets désastreux de la peste noire. En retraçant ce tableau aux sombres couleurs, Machaut se montre historien sobre, fidèle et exact. Une comparaison minutieuse de son récit avec les chroniques contemporaines nous a permis de constater que chaque détail, donné par le poète, est en effet confirmé par les renseignements de nos sources historiques. Ce sont en partie ses souvenirs personnels que le poète a consignés ici : il a dû voir de près les ravages de l’épidémie à laquelle il échappa, en se tenant soigneusement enfermé chez lui, sans doute dans sa maison canoniale de Reims ; en partie, il tient ses renseignements de récits oraux de témoins oculaires : « Ce dieni pluseurs qui ce virent » (v. 173). Ces vers fu-