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INTRODUCTION LIX


tique de Mâchant, et qu’il lui doit parfois des effets heureux et charmants.

III. — Le Jugement dou Roy de Behaingne.

D’après la place qu’il occupe dans tous nos bons manuscrits, le Jugement dou Roy de Behaingne est le deuxième en date des grands poèmes de Machaut. Il fut composé du vivant de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, c’est-à-dire avant 1346[1]. Le quatrième dit de Guillaume, le Dit dou Lion, étant écrit en 1342, il faut placer notre Jugement avant cette date[2]. Cette date se trouve confirmée, assez vaguement du reste, par ce fait que le poète nomme Jeunesse parmi les personnages allégoriques qui entourent le roi et qui personnifient ses qualités. Or, le roi Jean est né en 1296 ; par conséquent, le poème peut parfaitement remonter encore à quelques années avant 1342, peut-être même avant 1340, année où Machaut est en possession de son canonicat et réside à Reims, loin du roi.

L’étude des rimes, d’un secours si utile pour le Dit dou Vergier, ne peut rien nous apprendre ici ; car le poème n’est pas écrit dans la forme ordinaire des dits de Machaut, en vers octosyllabiques à rimes plates, mais dans une forme demi-strophique[3] qui ne reparaît

  1. Seul notre manuscrit M semble s’opposer à cette hypothèse ; car le titre porte dans ce manuscrit : Jugement dou Roi de Behaingne dont Dieus ait l’ame. Mais le manuscrit date du xve siècle, et le titre doit être mis au compte du copiste. Tarbé, cependant, s’est laissé induire en erreur et place le poème entre 1347 et 1349.
  2. Voyez plus haut, p, xxviii.
  3. C’est la forme que M. Grôber (Grundriss, II, i, 706) appelle Privilegstrophe, et M. Suchier, Richeutform (Geschichte der franz. Literatur, p. 21 5).