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INTRODUCTION LVII


il était déjà revêtu longtemps avant notre poète. Le sujet principal du récit est la description de la lutte de ses partisans contre ses ennemis bien connus : Danger, Peur, Honte, et la victoire finale du dieu. Tous ces éléments – et c’est là à peu près tout le poème –, Machaut les a empruntés au Roman de la Rose[1]. Mais, en les combinant, il est resté inférieur au modèle dont il s’inspirait. L’heureuse idée de Guillaume de Lorris, de remplacer un exposé froid et morne par une action vivante et mouvementée, Machaut l’a abandonnée : tout son poème n’est, sauf l’introduction et le dénouement, qu’un seul et interminable discours du Dieu d’Amours, une simple énumération de règles et de préceptes, véritable œuvre d’école sans originalité, sans note intime, ni personnelle. Nulle part ailleurs, Machaut ne se montrera, comme ici, simple et médiocre imitateur d’un remarquable modèle.

Cependant, quelques rares changements introduits dans les emprunts faits au Roman de la Rose, dénotent déjà les traits caractéristiques de Machaut. À la place du personnage abstrait de l’Amant, créé par Guillaume de Lorris, le poète du xive siècle met sa propre

  1. Certains vers du Dit dou Vergiers ont presque des emprunts directs au Roman de la Rose, p. ex. les vers 65-66 : « Je ne say que ce pôoit estre Fors que le paradis terrestre», qui répètent ces vers de Guillaume de Lorris : « Et sachiez que je cuiday estre Pour voir en paradis terrestre », ou bien les vers 38-39 : « … tous sens, sans conduit M’en alay parmi le vergier », dans le Roman de la Rose: « Si m’en alay seus esbatant Par le vergier de ça en la ». Ailleurs, dans son Dit de la Rose, Machaut résume en 106 vers la donnée fondamentale du roman de Guillaume de Lorris, dont il conserve alors l’allégorie, abandonnée dans le Dit don Vergier. Il nous montre par là, ce qu’on devait supposer a priori, qu’il avait étudié à fond ce roman.