Page:Machaut - Œuvres, éd. Hœpffner, I.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LIV INTRODUCTION


même que le poète n’ait commencé son véritable travail littéraire. Or, cela ne peut être ; au contraire, l’auteur, lorsqu’il écrivait ces vers, avait sous les yeux son œuvre poétique tout entière, ou au moins à peu près terminée, et c’est sur l’ensemble de ses productions lyriques, sur ses dits, sur ses compositions musicales, que porte le jugement qu’il émet dans le Prologue. La preuve matérielle de ce fait est donnée dans notre manuscrit A. D’après l’ancienne pagination, ce manuscrit commençait par le Dit dou Vergier ; lorsqu’il fut complètement terminé, on en dressa la table, qui fut placée en tête du volume. Mais le même cahier, qui par suite n’a pu être écrit qu’après la constitution définitive du manuscrit, contient aussi le Prologue, Celui-ci, par conséquent, a été composé, comme la table, au moment où l’activité littéraire et poétique de Machaut touchait à sa fin. Cela est confirmé par l’absence du Prologue dans les manuscrits BDVKJ : les sources d’où dérivent ces manuscrits remontent à une époque où Machaut n’avait pas encore écrit son Prologue, comme le prouve aussi l’état incomplet de ces manuscrits, où manquent les dernières œuvres du poète. Une autre raison qui empêche encore d’admettre entre le Prologue et le Dit dou Vergier une relation plus étroite est que dans le Dit dou Vergier il n’existe ni poésie lyrique, ni musique, tandis que le Prologue s’étend longuement sur ces deux points. En écrivant son Prologue, Machaut n’a donc pas eu en vue ce Dit dou Vergier, mais bien l’ensemble de ses œuvres.

Ce Prologue est comme un raccourci de toute l’œuvre du poète, tant dans la forme que dans le fond : les ballades représentent sa poésie lyrique, la partie en rimes plates sa poésie narrative et didactique ; on