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INTRODUCTION XLI


M. Hanf[1] qui ne voit dans le poème qu′une pure fiction sans fond réel, l′identification proposée par P. Paris est sans contredit jusqu′ici la meilleure et la plus acceptable. D′après ce poème, l′habit ecclésiastique n′empêche pas Machaut d′avoir aussi des relations avec des dames, et même, à en croire l′auteur, des relations très intimes. D′autres encore ont dû se partager le cœur du poète : il nous parle à diverses reprises de ses anciennes amours, et un anagramme dans une ballade nous donne le nom de Jehanne[2]. Enfin, le dernier grand poème de Guillaume est entièrement consacré à la mémoire de Pierre Ier de Lusignan, roi de Chypre et de Jérusalem. La Prise d′Alexandrie n′est autre chose que le récit minutieux et détaillé de la vie de ce seigneur depuis sa naissance jusqu′à sa mort et particulièrement de ses hauts faits d′armes en Orient dans ses guerres contre les Musulmans. À plusieurs reprises, Pierre était venu en France ; il avait assisté au sacre de Charles V à Reims en 1364, fait que Machaut relève spécialement, et à cette occasion le poète l′avait peut-être approché. Mais il serait bien surprenant que Guillaume, dans ce long poème, ne nous eût pas clairement parlé de ses relations personnelles avec Pierre, si elles avaient réellement existé. La carrière aventureuse et quelque peu romanesque de ce roi oriental et surtout sa mort tragique, un régicide, l′un des crimes les plus odieux et les plus atroces pour les consciences du moyen âge et qui causa dans l′Europe chrétienne une émotion profonde, c’étaient là pour le poète des raisons suffisantes pour écrire un

  1. Zeitschrift für rom. Philologie, XXII, 145-96.
  2. Zeitschrift für rom. Philologie, XXX, 409.