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moins considérables dans la musique dont il accompagne une partie de ses poésies. Dans ses œuvres de longue haleine, dans les dits, poèmes didactiques et narratifs, il subit, il est vrai, comme tous ses contemporains, l’influence profonde du Roman de la Rose : il lui emprunte le cadre de ses fictions ; il se sert des éléments allégoriques dont avaient usé Guillaume de Lorris et Jean de Meun ; comme ce dernier surtout, il aime à faire montre d’une érudition aussi vaste que superficielle ; et enfin, il reprend encore pour son compte les principaux sujets mis à la mode par ses illustres devanciers. Mais, s’il lui a été impossible de se soustraire complètement à la domination que le Roman de la Rose exerça sur toute cette époque, il a cependant réussi à se créer une certaine originalité qui lui appartient en propre et qu’il ne tient que de lui-même, en ce qu’il a mêlé à la fiction abstraite et générale des éléments tout personnels et individuels. Pas un seul parmi ses dits où il ne joue lui-même un rôle ; même dans le Confort d’ami, où il prodigue ses conseils et ses consolations au roi Charles II de Navarre, même dans la Prise d’Alexandrie[1], chronique rimée qui raconte la vie de Pierre Ier de Lusignan, roi de Chypre, il trouve moyen de nous entretenir de sa propre personne et de donner quelques détails biographiques sur lui-même. Dans ses premières œuvres, la tendance à se mettre en scène est encore peu marquée : le poète se montre déjà en personne, mais son rôle est modeste et effacé. À mesure que son renom s’établit plus solidement et qu’en raison de ses succès littéraires le sentiment de sa propre valeur

  1. Le poème est appelé dans tous les manuscrits Prise d’Alixandre.