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pressants, et pensa qu’il avait eu tort de tarder si longtemps. Il s’agissait peut-être de quelque affaire grave, très grave.

— Allons, allons vite ! répétait-il au cocher.

Et en lui-même, pour expliquer son retard à son ami, il s’ingéniait à trouver quelque chose. Il semble même qu’il ait projeté de mettre à profit l’incident pour reprendre son ancienne assiduité. Au milieu de tous ces plans, les paroles de la cartomancienne lui revenaient en mémoire. En vérité, elle avait deviné l’objet de sa visite, sa situation à lui, et l’existence d’un tiers. Pourquoi n’aurait-elle pas deviné le reste ? Le présent que l’on ignore vaut l’avenir. Et c’est ainsi que, lentes et continues, les anciennes croyances de sa jeunesse revenaient à la surface, et que le mystérieux l’empoignait avec ses ongles de fer. Parfois, il s’efforçait de rire, il riait de lui-même, un peu vexé. Mais la femme, les cartes, les paroles sèches et affirmatives, l’exhortation : « Allez, allez ! ragazzo innamorato » ; et, pour finir, la barcarolle d’adieu, lente et berceuse, tels étaient les éléments récents qui cimentaient, avec les anciens, une foi nouvelle et vivace.