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Elle lui parla de l’amour qui les unissait, de la beauté de Rita… Camille était aux nues, la prophétesse se tut, garda les cartes et ferma le tiroir.

— Ah ! Madame, vous m’avez rendu la tranquillité, dit-il en lui tendant la main par-dessus la table, et en serrant celle de la cartomancienne.

Celle-ci se leva en riant.

— Allez, dit-elle, allez, Ragazzo innamorato

Et debout, avec l’index, elle lui toucha le front. Camille frémit comme s’il eût senti le contact de la Sibylle, et se leva à son tour.

Il y avait sur une commode une assiette de raisins secs. Elle y prit une grappe et commença d’en détacher les grains, qu’elle mangeait en montrant deux rangées de dents qui faisaient contraste avec les ongles. Même dans ce geste vulgaire, elle conservait un air singulier. Camille, pressé de sortir, ne savait de quelle façon il s’y prendrait pour la payer, n’ayant aucune idée de prix.

— Les raisins coûtent de l’argent, dit-il enfin. Et tirant son portefeuille ; « Combien voulez-vous en envoyer chercher. »