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Vaste monde inconnu. Sylvius et Sylvie cheminent entre des embryons et des ruines. Des groupes d’idées, déduites l’une de l’autre à la façon du syllogisme, se perdent dans le tumulte des réminiscences de l’enfance et du séminaire. D’autres idées, grosses d’idées nouvelles, se traînent pesamment, soutenues par des idées vierges. Les choses et les hommes se mêlent ; Platon porte les lunettes d’un greffier de la chambre ecclésiastique ; des mandarins de toutes les classes distribuent des monnaies étrusques et chiliennes, des livres anglais et des roses pâles, si pâles qu’elles ne ressemblent plus à celles que plantait la main du chanoine, quand il était enfant. Des souvenirs pieux et d’autres familiers se croisent et se confondent. Voici les voix lointaines de la première messe ; voilà les cantilènes campagnardes qu’il entendait les négresses chanter dans sa maison, des lambeaux de sensations évanouies, ici un plaisir, là une crainte, plus loin le dégoût de choses venues chacune à leur heure, et qui gisent maintenant dans une grande unité impalpable et obscure.

« Tu viens du Liban, ô mon épouse… »