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est ton destin, que ni toi, ni moi, ni personne ne pourrons changer. Tu es supérieur à Moïse : du haut du Nebo, il vit, au moment de mourir, toute la terre de Jéricho, apanage de sa postérité ; et le Seigneur lui dit : « Tu l’as vue de tes yeux, mais tu n’en franchiras pas les limites. » Toi, Ahasvérus, tu en passeras les bornes, et tu habiteras Jéricho.

Ahasvérus. — Mets la main sur ma tête, et que tes regards, fixés sur les miens, me pénètrent de la réalité de ta prédiction. Que je respire un peu de cette vie nouvelle et pleine… Roi, dis-tu ?

Prométhée. — Roi élu d’une race privilégiée.

Ahasvérus. — il n’en faut pas moins pour racheter le mépris où j’ai vécu. Là où une vie a craché de la boue, une autre vie mettra une auréole. Parle toujours, parle encore….. (Son rêve continue. Les deux aigles s’approchent.)

Un aigle. — Hélas ! le dernier homme se meurt, et il songe encore à la vie.

L’autre aigle. — Et il ne l’a tant haïe que par l’attachement qu’il y portait.