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se confond sur ma rétine lassée de spectacles.

Prométhée. — Mais, enfin, tu n’as rien souffert personnellement. Que dirais-je, moi qui depuis des temps immémorables suis victime de la colère divine.

Ahasvérus. — Toi ?

Prométhée. — Mon nom est Prométhée.

Ahasvérus. — Toi ! Prométhée ?

Prométhée. — Et pour quel délit ? D’un peu de limon je fis les premiers hommes, et par pitié je dérobai à leur intention le feu du ciel. Tel fut mon crime. Jupiter qui, alors, gouvernait l’Olympe, m’a condamné au plus cruel supplice. Viens, monte avec moi sur ce rocher.

Ahasvérus. — C’est une fable que tu me racontes ; je connais cette légende hellénique.

Prométhée. — Vieil incrédule ! viens voir les chaînes qui me retenaient. Le châtiment fut excessif pour une faute, qui n’en était pas une. Mais la divinité orgueilleuse et cruelle… Nous arrivons ; regarde… les voici…

Ahasvérus. — Le temps qui ronge tout n’a donc point voulu d’elles.

Prométhée. — Elles étaient l’œuvre d’une main divine : Vulcain les forgea. Deux émis-