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Vivre


Voici venue la fin des temps. Ahasvérus, assis sur un rocher, regarde longuement le vol de deux aigles à l’horizon. Il médite, puis s’assoupit dans un songe : Le jour est à son déclin.


Ahasvérus. — Les temps sont révolus. Voici le seuil de l’éternité. La terre est déserte. Aucun homme, si ce n’est moi, ne respire plus l’air vivifiant. Je suis le dernier ; je puis mourir. Mourir ! Ah ! — délicieuse pensée ! Humilié, lassé, marchant sans cesse, j’ai traversé les siècles ; mais voici qu’ils s’achèvent, et je vais m’éteindre avec eux. Adieu ! vieille Nature, cieux azurés, nuages renaissants, roses d’un jour et de tous les jours, eaux vives, terre ennemie, qui n’as point dévoré ma dépouille, adieu ! L’éternel marcheur s’arrête. Que Dieu me par-