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lourde. Je ne puis dire si j’étais triste ou gaie. Je me rappelle qu’il occupait beaucoup ma pensée ; et pour l’en chasser, je me promis à moi-même de tout révéler à Conrado. Mais de nouveau son image se représentait à moi. De temps à autre, je croyais entendre sa voix, et je tressaillais. Je me souvins qu’en le quittant j’avais évité de correspondre à sa pression de main, et il me venait, comment dire… une sorte de regret, une crainte de l’avoir contrarié… et voilà que j’éprouvai le désir de le revoir. Pardonnez-moi, bonne tante, c’est vous qui voulez que je vous dise tout.

Pour unique réponse, dona Paula lui serra fortement la main, en faisant oui de la tête. Enfin elle ressentait les commotions d’un autre temps, au contact de ces sensations ingénument décrites. Ses yeux, parfois demi-fermés, dans la somnolence du souvenir, s’allumaient par moments d’une chaude curiosité. Elle écouta tout, jour par jour, rencontre par rencontre, jusqu’à la scène du théâtre, que sa nièce lui avait d’abord cachée. Insatiable, elle voulut être mise au courant des moindres détails : des heures d’angoisse, de désirs, de crainte, d’es-