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je l’avoue… Allons ! pardonnez-moi, et ne dites rien à Conrado ; je me repens si sincèrement. Oui, au début, j’ai été un peu fascinée… Que voulez-vous !…

— Il t’a fait des déclarations.

— Il m’en a fait : au théâtre, un soir, au sortir de l’opéra. Il avait pris l’habitude de venir nous chercher dans notre loge, et il m’accompagnait jusqu’à la voiture. En sortant, il m’a dit deux mots… Dona Paula n’osa point demander, par pudeur, quelles avaient été les propres paroles de l’amoureux, mais elle évoqua les circonstances, le couloir, les couples qui défilaient, les lumières, la multitude, les rumeurs des voix. Il lui fut enfin possible de se représenter, comme en un tableau, ses propres sensations. Et elle continuait son interrogatoire avec curiosité et astuce.

— Je ne sais plus ce que j’éprouvai, continua la jeune femme, dont l’émotion croissante déliait la langue ; je ne me rappelle rien des cinq premières minutes. Je pris un air sérieux, je crois. Je demeurai en tout cas silencieuse ; il me sembla que tous les regards étaient fixés sur nous, qu’on avait entendu ce qu’il m’avait dit,