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propres à les porter. Mais tout cela, — et ce détail est une peinture d’âme, — tout cela ressemblait à de froides chroniques, squelettes sans âme de l’histoire. Le drame était dans la tête. C’est bien inutilement que dona Paula tentait de mettre le cœur à l’unisson, et s’efforçait d’éprouver autre chose que de pures répétitions mentales. En vain évoquait-elle les émotions éteintes, aucune ne renaissait de ses cendres. — Des tronçons, et rien de plus !

Si elle avait pu pénétrer dans le cœur de sa nièce, peut-être alors y eût-elle retrouvé sa propre image, et alors… Cette idée, en s’emparant de l’esprit de dona Paula, lui rendit un peu plus difficile son rôle d’infirmière. Elle était sincère ; elle soignait ce cœur qu’elle voulait voir revenir entièrement guéri à l’époux. Pécheur, on désire voir les autres pécher, pour ne pas aller seul au purgatoire. Mais ici, le péché n’existait déjà plus. Dona Paula démontrait à sa nièce la supériorité de son mari, lui dépeignait ses qualités, ses passions aussi, qui pouvaient les entraîner jusqu’à la rupture du mariage, jusqu’à la répudiation, pire que le drame.