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infime. C’est moi qui attache, qui lie, qui unis.

Elles en étaient là quand la couturière entra chez la baronne. Ai-je dit que l’aventure se passe chez une baronne qui fait venir la modiste chez elle pour n’avoir pas à lui courir après ?

La couturière survint donc, prit l’étoffe, l’aiguille, le fil, enfila l’un dans l’autre, et commença à coudre. Ils pénétraient orgueilleusement dans l’étoffe, faite d’une soie excellente, entre les doigts de la couturière, agile comme les lévriers de Diane, — pour donner à tout ceci une couleur poétique. Et l’aiguille disait :

— Soutiendrez-vous encore, Madame, ce que vous disiez il y a un instant ? Est-ce que cette couturière habile s’occupe de vous ? c’est moi qu’elle tient entre ses doigts, délicatement serrée, perçant de-ci, perçant de-là.

La bobine ne répondait pas ; elle se déroulait. Le trou ouvert par l’aiguille était soudain comblé par le fil, silencieux et attentif, comme quelqu’un qui sait ce qu’il fait, et hausse les épaules aux folles paroles. L’aiguille, n’obtenant pas de réponse, se tut aussi et poursuivit son chemin. Tout était silencieux dans la salle