Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/295

Cette page a été validée par deux contributeurs.

faire signe d’aller vers lui. Ah ! comme on serait bien là-bas, sous les manguiers, avec la petite pièce d’argent dans la poche, la petite pièce d’argent que je ne donnerais pour rien au monde, quand il faudrait me laisser couper en quatre. Je la conserverais à la maison, je dirais à maman que je l’avais trouvée dans la rue. Je la palpais pour être bien sûr qu’elle ne s’échappait pas ; j’en frôlais le relief, j’en lisais l’inscription avec la pointe des doigts, je mourais d’envie de la regarder.

— Monsieur Pilar, cria le maître, en tempête.

Je sursautai comme au sortir d’un rêve, et je me levai tout d’une pièce. Le maître me regardait, l’air rogne ; les journaux étaient éparpillés sur la table, devant laquelle se tenait Curvello, debout.

— Venez ici, dit le maître.

J’obéis. Il fouilla dans ma conscience en y plongeant ses regards aigus. Ensuite il appela son fils. La classe entière était en suspens. Tous avaient cessé de lire, et attendaient immobiles. Je regardais toujours le maître, mais je sentais dans l’air la curiosité et la terreur de tous.

— Alors, monsieur reçoit de l’argent pour