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— Quel homme singulier, repartit Marianna, après avoir essuyé les larmes d’Évariste avec ses cheveux, qu’elle avait dénoués en hâte, pour s’en servir en guise de mouchoir. Si je l’aime ? Non, je ne l’aime plus, voilà ma réponse. Mais maintenant tu vas me permettre d’aller jusqu’au bout, car mon caractère n’admet pas de demi-confidences.

Cette fois, ce fut au tour d’Évariste de tressaillir. Mais la curiosité le torturait de telle sorte que son émotion fit place à l’attente et à l’attention. Appuyé sur le genou de la jeune femme, il écouta la narration, qui fut courte. Marianna raconta son mariage, la résistance de son père, la douleur de sa mère, la persévérance de Xavier et la sienne. Ils attendirent dix mois, elle avec plus d’impatience que lui, parce que la passion dont elle fut possédée avait la violence nécessaire pour la porter aux décisions violentes. Que de larmes versées ! que de malédictions s’élevèrent de son cœur et furent réprimées par elle, car elle craignait Dieu, et ne voulait pas que ses paroles, comme des armes de parricide, la condamnassent à une peine pire que l’enfer, à une séparation éternelle de