Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant ainsi la réponse négative, qui lui paraissait trop brutale.

Évariste le crut du moins ; mais il ne se contenta de la forme indirecte et délicate. La négative rude et simple pouvait seule le satisfaire.

— Tu l’aimes, insista-t-il.

— À quoi bon fouiller dans mon âme et dans mon passé ? Pour nous, le monde date d’il y a quatre mois, et ne finira plus, ou finira quand tu te lasseras de moi, car je ne changerai jamais…

Évariste s’agenouilla, l’obligea à étendre les bras, lui baisa les mains, et s’en couvrit le visage. Enfin, il laissa tomber sa tête sur les genoux de Marianna. Ils demeurèrent ainsi durant quelques instants, puis elle sentit une humidité sur ses doigts, lui releva le visage, et vit ses yeux pleins de larmes. Pourquoi ?

— Rien, dit-il ; adieu.

— Mais qu’as-tu ?

— Tu l’aimes, répondit Évariste, et cette idée m’effraie, en même temps qu’elle m’afflige, car je serais capable de le tuer, si j’étais certain de cet amour.