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gens de toutes conditions et de toutes mentalités se trémoussaient devant lui comme des marionnettes. La morgue des uns, la platitude des autres, le désir du lucre, les tripotages de toute sorte, l’écho des influences féminines et des secrets d’alcôve ; quelle série d’aspects pour un écrivain ! — Les ministres : il en connut au moins cinquante, dont les portraits jaunissent mélancoliquement dans l’antichambre du ministère. Parfois un de ses collègues devait se pencher vers lui pour lui dire : « Voici un tel… Savez-vous la nouvelle ?… » et les anecdotes réelles, les racontages, les médisances, et aussi les calomnies, moins laides souvent que la réalité toute crue, s’accumulaient dans sa mémoire, en un énorme dossier de documents humains.

Avec le temps, une lente élaboration se faisait en lui, dans les profondeurs de cet inconscient, qu’il allégorise pittoresquement au dernier chapitre de ce livre. Les personnages qui s’agitèrent un moment devant ses yeux, et qui se momifiaient dans le musée de ses souvenirs, revécurent ainsi de la vie idéalisée et