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cœur ; elle le trouvait antipathique et insupportable. Il se tut, au bout de quelques instants. La sonate interrompit une conversation que Maria Regina trouvait délectable, et ce fut lui qui demanda à la jeune fille de jouer. Elle eût bien préféré demeurer à l’écouter.

— Grand’mère, dit-elle, maintenant, un peu de patience…

Miranda s’approcha du piano. Aux lumières, sa figure montrait toute la fatigue des années, tandis que l’expression de ses traits accentuait encore leur amertume et leur dureté. Maria Regina nota la gradation, et elle jouait sans le regarder. Ce n’était guère facile, attendu que, dès qu’il parlait, ses paroles entraient dans l’âme de la jeune fille ! de telle sorte qu’elle levait involontairement la tête, et se trouvait en face d’un méchant vieux. Soudain, elle se souvenait de Maciel, de ses années en fleur, de sa physionomie franche, bonne et tendre, et enfin de l’acte que, le jour même, il avait pratiqué : comparaison aussi cruelle pour Miranda que celle des deux mentalités l’avait été pour Maciel. Et la jeune fille recourut au même expédient. Elle compléta l’un par l’autre ; elle écoutait celui-ci,