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ans ; l’autre, qui s’appelait Miranda, près de cinquante. J’avoue que c’est abominable ; mais il ne m’appartient pas d’altérer le cours des événements ; et je ne saurais nier que si les deux hommes se sont passionnés pour elle, elle n’est pas moins éprise de tous les deux. Une originale, en somme ; ou pour employer le terme dont usaient ses amies de collège, une toquée. Personne ne lui refuse un cœur excellent et un esprit lucide ; l’imagination, voilà son défaut : une imagination brûlante, effrénée, insatiable, par-dessus tout revêche à la réalité, superposant ses lubies aux choses de la vie, et par cela même en proie à d’irrémédiables curiosités.

La visite des deux hommes, qui lui font la cour depuis peu, a duré une heure environ. Maria Regina a conversé allègrement avec eux ; elle a joué au piano un morceau classique, une sonate, qui a fait dormir un peu l’aïeule. Puis on a parlé musique. Miranda dit des choses pertinentes sur la musique ancienne et sur la musique moderne. Grand’mère a le culte de Bellini et de Norma, et parle des mélodies de sa jeunesse, airs délectables, mélancoliques, clairs, surtout. Maria Regina partage les opinions de