Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle toussait, toussait, et, au bout de peu de temps, la maladie jeta le masque. C’était la phtisie, vieille dame insatiable qui suce la vie jusqu’à la moelle, et ne laisse qu’un monceau d’os. Cette nouvelle fut un coup pour Fortunato ; il aimait vraiment sa femme, à sa manière ; il s’était habitué à sa compagnie, il lui en coûtait de la perdre. Il n’épargna ni efforts ni médecins, ni remèdes, ni changements de climats. Il mit en œuvre toutes les ressources et tous les palliatifs. Ce fut en vain : la maladie était mortelle.

Pendant les derniers jours, devant les tourments suprêmes de la jeune femme, le nature du mari domina tout autre sentiment. Il ne la quittait plus. Il tint son regard, terne et froid, fixé sur cette décomposition lente et douloureuse de la vie ; il but une à une les affres de la belle créature, alors amaigrie et transparente, dévorée de fièvre et minée par la mort. Dans son âpre égoïsme, affamé de sensations, il ne perdit pas une minute d’agonie, qu’il ne paya d’ailleurs d’aucune larme publique ou intime. Au moment où elle expira, il demeura abasourdi. Il retomba en lui-même, et se retrouva seul, de nouveau.