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personne si éprise de bals, de promenades, de la valse et du rire, fût en ma compagnie si sérieuse et si grave, et si différente de ce qu’elle avait coutume d’être ou de paraître.

— La raison est claire : elle trouvait votre conversation moins insignifiante.

— Merci. La cause de cette différence était plus profonde, et la différence s’accentuait avec le temps. Quand la vie du centre de la ville l’ennuyait trop, elle allait habiter Cosme Velho, et là, nos conversations étaient plus fréquentes et plus longues. Je ne saurais vous dire et vous ne pourriez comprendre ce que furent les heures que je passai là, unissant à ma vie toute la vie qui débordait d’elle. Souvent, je voulus lui dire ce que j’éprouvais, mais les paroles avaient peur et demeuraient dans mon cœur. J’écrivis lettre sur lettre ; toutes me paraissaient froides, diffuses, ou boursouflées de style. D’ailleurs, elle ne m’offrait point d’occasion ; elle avait des airs de vieille amie. Au commencement de l’année 1857, mon père tomba malade à Itaborahy ; je courus le voir, et le trouvai moribond. Cet événement me retint éloigné de Rio pendant environ quatre mois. Je revins à la fin de mai.