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fourvoiement. Artistiquement, ses œuvres n’étaient bonnes qu’à faire passer le temps. Ses polkas étaient des aventures de jeunesse. Mais maintenant, il allait engendrer une famille d’œuvres sérieuses, profondes, inspirées et fouillées.

Cette espérance bourgeonna dès les premières heures de son amour, et s’épanouit à la première aurore des épousailles. Maria, balbutiait-il dans son âme, donne-moi ce que je n’ai trouvé ni dans la solitude des nuits, ni dans le tumulte des jours.

Tout de suite, pour commémorer son mariage, il eut l’idée de composer un nocturne qui s’appellerait Ave, Maria. La félicité parut lui donner un semblant d’inspiration. Ne voulant rien dire à sa femme, avant que l’œuvre ne fût prête, il travaillait en secret : chose difficile, attendu que Maria, qui aimait également les arts, venait jouer avec lui ou l’écouter seulement, pendant des heures, dans la salle des portraits. Ils organisèrent même quelques concerts hebdomadaires, avec trois artistes, amis de Pestana. Mais un dimanche, il ne put plus se contenir, il appela sa femme pour lui jouer