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nir de mademoiselle Motta, qui cependant, à cette heure même, s’endormait en pensant au fameux auteur de tant de polkas aimées. Peut-être des velléités conjugales privèrent-elles la jeune fille de quelques instants de sommeil. Que voulez-vous ! elle avait vingt ans, lui trente ; bonne proportion. La jeune fille dormait au son de la polka qu’elle savait par cœur, tandis que l’auteur ne pensait ni à la jeune fille, ni à la polka, mais à de vieilles œuvres classiques, interrogeant le ciel et la nuit, invoquant les anges, et le diable en dernier ressort. Pourquoi lui aussi ne composerait-il pas une de ces pages immortelles, une seule ?

Parfois, l’aurore d’une idée semblait poindre dans les profondeurs de l’inconscient. Il courait au piano pour la développer tout entière, pour la traduire en sons ; mais c’était en vain. L’idée s’évanouissait.

D’autres fois, assis au piano, il laissait les doigts courir à l’aventure, pour voir s’il y surgirait des fantaisies, comme sous ceux de Mozart. Mais rien, rien ; l’inspiration ne venait pas ; l’imagination demeurait endormie. Si par hasard une idée surgissait, définie et belle, c’était