Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans la rue, il se hâta, craignant encore qu’on ne le rappelât. Il ne ralentit le pas qu’au détour de la rue Formosa. Mais, là encore, sa grande polka joyeuse l’attendait au passage. D’une maison modeste, à droite, à quelques mètres de distance, s’échappaient à travers l’anche d’une clarinette les notes de la composition du jour. On dansait. Pestana s’arrêta pendant quelques instants, se demandant s’il ne rebrousserait pas chemin, puis se résolut à poursuivre, pressa le pas, traversa la rue, sur le trottoir opposé à celui où donnait la maison en fête. Les notes se perdirent au loin, et notre homme entra dans la rue do Aterrado, où il demeurait. Sur le point d’arriver cher lui, deux hommes le croisèrent. L’un d’eux, en le frôlant, commença à siffler la même polka, fièrement, avec brio ; l’autre accompagna la musique, et ils s’éloignèrent, bruyants et allègres, tandis que l’auteur du morceau courait, horripilé, se réfugier chez lui.

Là, il respira. La maison était vieille, l’escalier vieux, et vieux le nègre qui le servait et qui vint lui demander s’il désirait souper.

— Je ne veux rien, hurla Pestana. Fais-moi du café, et va-t’en dormir.