Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tiller la polka à la mode. À la mode, — elle avait été publiée vingt jours auparavant, et déjà il n’y avait pas un recoin de la ville où elle ne fût connue. Elle avait déjà reçu la consécration des sifflotements et des sérénades.

Mademoiselle Motta était loin de supposer que ce Pestana qu’elle avait vu à table, puis au piano, enterré dans sa redingote couleur havane, avec ses cheveux noirs, longs et bouclés, ses regards soucieux, son menton rasé, était le compositeur Pestana. Ce fut une amie qui le lui dit, quand il s’éloigna du piano après avoir terminé la polka. De là son interrogation admirative. Comme nous l’avons vu, il y répondit ennuyé et vexé.

Les deux Jeunes filles ne lui prodiguèrent pas moins des gracieusetés sans nombre, et telles que la plus modeste vanité s’en serait accommodée. Il les reçut, de plus en plus morose, jusqu’à ce qu’enfin, alléguant un mal de tête, il demanda la permission de se retirer. Ni les jeunes filles, ni la maîtresse de la maison ne purent le retenir. On lui offrit des remèdes de bonne femme, on le pria de se reposer, il n’accepta rien, s’entêta à partir, et partit.