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dans la soixantaine. Ce fut d’ailleurs la dernière fois qu’elle s’amusa, car elle mourut dans les premiers jours de 1870. Bonne et allègre veuve ! avec quelle âme et quelle diligence elle avait organisé des danses aussitôt après le dîner, en demandant à Pestana de jouer un quadrille. Elle n’avait même pas eu besoin d’achever sa demande : Pestana s’était courbé gentiment, et avait couru au piano. Moins de dix minutes après le quadrille, la veuve avait de nouveau supplié Pestana de lui faire une faveur tout à fait spéciale.

— Dites, Madame.

— C’est de nous jouer maintenant votre polka Não bula commigo Nhônô[1].

Pestana fit une grimace, qu’il dissimula au plus vite, s’inclina en silence, sèchement, et se mit au piano sans enthousiasme. Aussitôt après les premières mesures, une allégresse nouvelle courut dans la salle, les cavaliers s’approchèrent des dames, et les couples commencèrent à sau-

  1. Nhônô, terme d’amitié. Le sens littéral serait « ne me touche pas, Nhônô » (prononcez Nionio). Mais l’intention réelle est aussi intraduisible que celle de « Ne me mécanise pas » ou « Va te faire lanlaire ». (Note du traducteur.)