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temps ; il lui en coûta énormément, j’en suis sûr. Mais le temps, — et c’est un autre point qui méritera je l’espère l’indulgence des penseurs, — le temps met des durillons sur la sensibilité, et oblitère la mémoire des événements. Il était à supposer que les années émousseraient les épines, que l’éloignement des faits en adoucirait les contours, qu’une ombre de doute rétrospectif couvrirait la nudité de la réalité, enfin que l’opinion s’occuperait un peu moins de lui et serait détournée sur d’autres aventures. Le fils, devenu grand, satisferait les ambitions paternelles, et serait l’héritier de toutes ses affections. Tout cela, uni à l’activité externe, le prestige public, la vieillesse ensuite, puis la maladie, le déclin, la mort, un service funèbre, une notice biographique, et le livre de la vie s’achèverait sans une goutte de sang.